Le musée Réattu, sis dans un ancien grand prieuré de l’ordre de Malte, a été la première institution française à collectionner la photographie, dès 1965, sous l’impulsion de deux enfants du pays, le photographe Lucien Clergue (1934-2014) et l’historien et conservateur Jean-Maurice Rouquette (1930-2019). Ils prirent une part prépondérante dans la création, en 1970, des célèbres Rencontres photographiques annuelles (4 juillet-26 septembre) et, en 1982, dans l’implantation de l’École nationale supérieure de la photographie.
Cet été, le musée Réattu propose deux expositions d’importance. La première, inaugurée le 25 juin sous le titre « L’esprit nomade », a trait à l’œuvre de Jacques Léonard (1909-1994), encore peu connu en France. En collaboration avec la fondation Photographic Social Vision de Barcelone, 150 de ses clichés ont été sélectionnés dans un fonds qui en compte plus de 20 000.
Jacques Léonard a d’abord travaillé dans le cinéma, aux studios Gaumont de Paris, avec Abel Gance, notamment pour son film J’accuse (1919). Au cours d’un voyage pour les repérages d’un film, il découvre l’Espagne, où il s’installera définitivement en 1952. Devenu photographe professionnel, il collabore à divers organes de presse et monte son propre laboratoire, Publifoto, axé sur la photo publicitaire. Il doit abandonner la photographie en 1975, pour raison de santé.
Il porte sur les gitans le regard d’un membre de la famille
Il se marie avec Rosario Amaya, une gitane du quartier de Montjuic, dans la banlieue de Barcelone. Cela lui donne accès, de l’intérieur, à la communauté gitane, dont il partage la vie quotidienne dans des baraquements. Il a toute liberté de photographier les êtres qui y vivent. Durant plus de vingt ans, il portera, sur les gitans, le regard fraternel d’un membre de la famille. Les photos de Jacques Léonard sont donc des plus importantes sur la culture gitane, qu’André Kertész, Josef Koudelka, Erwin Blumenfed, Lucien Clergue et Mathieu Pernot ont également abordée.
Des années 1950 à 1975, les images de Jacques Léonard rendent compte de la vie de Barcelone : les rues, les marchés, les fêtes, les foires, le port… On relève en outre, dans son œuvre, deux séries exceptionnelles. L’une, de 1943, sous le titre Évadés, est constituée d’un reportage sur les jeunes Français qui, passant par l’Espagne, ont fui l’Occupation pour embarquer à Malaga à destination de l’Afrique. L’autre a trait au retour en Espagne, en 1954, de surivants de la Légion Azul, troupes espagnoles ayant participé à l’invasion de l’Urss par le IIIe Reich.
Le musée Réattu s’ouvre à une collection privée
L’autre temps fort est à voir du côté des 120 portraits sélectionnés dans la collection Florence et Damien Bachelot, présentés jusqu’au 1er octobre. Pour la première fois, le musée Réattu s’ouvre à une collection privée.
Alignant près de 1 000 œuvres, la Collection Bachelot s’avère ancrée dans l’esprit de la photographie humaniste, documentaire et sociale, du début du XXe siècle à nos jours. On y croise aussi bien Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau et Willy Ronis que Diane Arbus ou Helen Lewitt.