Maiores et laudantium quo

Publié le : 04 · 03 · 2025

Mis à jour le : 17 · 04 · 2025

Temps de lecture : 5 min

Options - Le journal de l’Ugict-CGT

Jamil Hamoudi, Composition abstraite sur le nom Dorival (1951), Gouache sur papier, 24 × 32 cm, Paris, Centre Pompidou-Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle. Centre Pompidou / Mnam-Cci / Rmn-Grand Palais / Bertrand Prévost.

Les employeurs privés et publics ont l’obligation de prendre «  les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs  ». De cette obligation, la justice a déduit que l’employeur doit ouvrir une enquête interne lorsqu’un salarié affirme être victime ou témoin de faits de discrimination, le droit considérant désormais que les discriminations incluent les situations de harcèlement sexuel et de harcèlement discriminatoire.

Pourtant, près d’un tiers des personnes qui se déclarent victimes de discrimination n’ont entrepris aucune démarche à la suite des faits (1). Dans sa «  décision-cadre  » n° 2025-19 de février 2025, la Défenseure des droits «  constate que les dispositifs de signalement sont encore peu saisis au regard de l’ampleur des discriminations  ». Ce rapport de 43 pages intitulé «  Discrimination et harcèlement sexuel dans l’emploi privé et public  : recueil du signalement et enquête interne  » se nourrit d’une analyse de la jurisprudence et des décisions rendues par la Défenseure des droits au terme de chacune de ses instructions. 

Trop d’hétérogénéité dans les pratiques

Ni le Code du travail ni le Code général de la fonction publique n’indiquent de règles à suivre pour une enquête interne. On observe donc une grande disparité dans les pratiques  : «  Certains principes sont dispersés dans des textes de loi, jurisprudences et guides, créant une insécurité juridique et une hétérogénéité des pratiques.  » Ce rapport a pour but de guider les employeurs dans le traitement des signalements et le déroulement de l’enquête interne «  afin de mieux lutter contre toutes les formes de discriminations dans l’emploi.  » 

La Défenseure des droits conseille dans un premier temps de rendre les dispositifs d’écoute et de recueil du signalement plus accessibles. Flyer d’information accompagnant les fiches de paie, présentation lors des temps d’accueil des nouveaux arrivants… Il convient de les faire connaître par tous les moyens disponibles à l’ensemble des agents et salariés sans oublier les intérimaires, stagiaires, apprentis, volontaires en service civique, bénévoles, candidats au recrutement. 

Pour une action de longue haleine

La confiance en ces dispositifs doit être renforcée par une amélioration de la transparence sur leur fonctionnement et sur leurs résultats. Un bilan annuel sans données nominatives devrait être transmis aux référents égalité/harcèlement sexuel et aux représentants du personnel. La Défenseure des droits rappelle aussi l’importance de formations aux discriminations «  répétées et non ponctuelles, d’une certaine intensité”  ». En effet, «  une action de formation d’une journée, de faible intensité et dont le contenu est essentiellement juridique, n’a pas d’effet significatif sur le niveau de discrimination à l’embauche.  » 

Lorsqu’une enquête interne est décidée, elle doit «  être ouverte dans un délai bref à la suite du signalement  ». La Défenseure des droits préconise un délai «  n’excédant pas deux mois  » après le signalement, soulignant qu’il «  n’est pas possible de reporter l’ouverture d’une enquête interne au terme d’une procédure en cours devant les juridictions civiles et administratives dès lors que, précisément, celles-ci peuvent être amenées à juger la réaction de l’employeur au signalement.  » L’enquête peut être ouverte quel que soit le délai écoulé entre les faits et leur signalement. Un arrêt maladie de la victime présumée ou de la personne mise ne cause ne constituent pas des obstacles à son ouverture.

Gare au signalement mensonger

«  Une enquête interne mal réalisée est source de risques de natures diverses pour les salariés ou agents concernés, leurs collègues et l’employeur  », rappelle la décision-cadre. La Défenseure des droits recommande de «  veiller tout particulièrement à l’effectivité de la protection des victimes présumées  ». Si des conditions de travail doivent être affectées, ce sont bien celles de la personne mise en cause, et non celles de la victime présumée. Il est important de dire que ces mesures ne constituent pas des sanctions. La Défenseure des droits préconise également que l’employeur signifie «  le plus tôt possible  » par écrit l’interdiction de représailles. Elle rappelle toutefois que si l’enquête interne devait révéler que la victime présumée «  cherchait à nuire au mis en cause ou à l’employeur au moyen d’un signalement mensonger  », elle serait passible d’une sanction disciplinaire. 

Dans une optique de réactivité, la Défenseure des droits recommande de fixer précisément la méthodologie de l’enquête interne en amont de tout signalement, «  en la formalisant après information des instances représentatives du personnel  ». Elle incite également au strict respect de l’obligation de confidentialité, qui devrait être rappelée «  par écrit à l’ensemble des personnes concernées  ». Elle suggère qu’enquêteurs comme personnes auditionnées signent une attestation de confidentialité.

Fekher Turki